Jeudi 21 Avril 2022

Sortir du jeu des trois pôles actuels et conserver un avenir démocratique ?



Analyse politique du MRC Limousin–Poitou-Charentes


Sortir du jeu des trois pôles actuels et conserver un avenir démocratique ?


    A la fin du premier tour des élections présidentielles, la République Française a vu se porter en tête trois pôles socio-politico-philosophiques :
1 – le centre-droit néo-libéral et européiste, ralliant une partie de la social-démocratie, présent au second tour, autour d’Emmanuel Macron. Ce pôle place l’État au service d'un projet d'adaptation de la société aux marchés, et donne priorité au soutien du secteur privé,
2 – l'extrême-droite nationaliste et identitaire qui, présente au second tour, derrière Marine Le Pen et ses ralliés, entretient et se nourrit d'un climat de défiance dans la société, avec l'objectif de cristalliser un vote de sécession,
3 – une gauche "insoumise", avec un projet social visant au progrès, mais à stratégie "attrape-tout" – aux bases mouvantes et s'écartant notablement de l'héritage de la gauche universaliste – autour de Jean-Luc Mélenchon. Ce pôle n'est structurellement pas en mesure d'accéder au second tour de la Présidentielle (ni à cette élection, ni à la précédente ; les Insoumis finiront-ils par s’en rendre compte ?).

    Ces trois pôles s'affrontent généralement à deux contre un, avec des combinaisons qui varient selon les champs politiques, économiques et sociaux :
- sur le plan économique : les programmes des candidats présents au second tour développent une orientation libérale où les grandes entreprises et leurs propriétaires seront les principaux gagnants,
- sur le plan social : la France Insoumise s'oppose à la Macronie pour laquelle la négociation est, au mieux, un rideau de fumée, et à une extrême-droite issue des milieux les plus réactionnaires et anti-sociaux dont l'apparente rhétorique "ouvrière" n'est qu'un faux-nez (aujourd'hui comme dans les années 30, mais il fut un temps où le PCF était assez fort pour en alerter les classes populaires),
- sur la situation des étrangers : la France Insoumise s'oppose au Rassemblement National et à la Macronie (même si ces deux dernières manières de voir sont différentes, la Macronie a témoigné par ses inégales concessions de générosité qu'elle ne regardait pas forcément avec une même considération les réfugiés à accueillir, selon les crises et les lieux d'origine…),
- sur les mœurs : France Insoumise et Macronisme se retrouvent assez largement (débats sur les genre(s) et sexe(s), PMA, euthanasie…).

    La situation politique est maintenue en situation de blocage, avec :
- les conséquences des politiques économiques libérales, qui entretiennent le maintien d'une extrême-droite au plus haut niveau,
- le plafond que ne parvient pas à franchir un pôle de gauche "insoumise". Des positions de cet agglomérat rompent avec l’héritage de la gauche républicaine et universaliste et ne sont ainsi pas acceptables, en l’état, par une large partie de l'opinion, y compris de gauche. Le prétendu vote utile pour le candidat de la France Insoumise se révèle ainsi doublement inutile : insuffisant pour permettre à son candidat d'accéder au second tour, minorant les autres forces de gauche qui sont pourtant indispensables pour engager la reconstruction de la gauche sur des bases lui permettant de redevenir majoritaire dans l'opinion.

    La nature et les conditions de l’affrontement politique des trois principaux pôles actuels se résolvent ainsi en faveur de l'intérêt de ceux qui souhaitent le maintien des politiques de régression sociale : à l’issue du scrutin, seul le "capital", ses serviteurs, ses affidés gagnent. Sur ce plan, l’affaire est déjà jouée ; c’est en soi une mauvaise nouvelle, puisqu’il n’y aura pas de rééquilibrage en faveur du monde du travail, et donc d’apaisement des tensions dans la société, quelque soit le résultat de dimanche prochain. La victoire de la candidate d’extrême-droite irait cependant dans le sens d’un accroissement encore plus fort des tensions existantes.

    Si le résultat du second tour reste incertain, c’est qu’à ces trois pôles se superpose un clivage net, induisant deux grandes situations dans la population :
- celle des gagnants de la mondialisation qui acceptent l’ordre établi,
- celle des perdants de la mondialisation qui subissent des conséquences de l'ordre instauré.
    Ces derniers se sont souvent réfugiés dans l'abstention, mais ils peuvent se mobiliser sur une élection. Or, au premier tour, la majorité des électeurs a porté ses suffrages sur des candidats envisageant une rupture, même si le contenu de la rupture diverge (pour les Insoumis s’il faut transformer les institutions politiques, les institutions sociales sont des leviers ; alors qu'à l'extrême-droite est entretenue une défiance globale qui frappe aussi bien les institutions politiques que les institutions sociales). Les nombreux perdants de la mondialisation, s’ils votaient au second tour pour une promesse illusoire de rupture avec un ordre néo-libéral installé, risquent d’être encore plus perdants : pas de rupture avec le libéralisme économique, pas de rééquilibrage en faveur du monde du travail, mais encore des reculs démocratiques à venir.

    A court terme, il est de prime urgence de voter avec un esprit républicain pour ne pas laisser l'extrême-droite accéder à l’exécutif national, puis il sera indispensable de travailler à la sortie du jeu des trois pôles actuels en engageant la reconstruction de la gauche sur des bases lui permettant de redevenir majoritaire à l'occasion des scrutins nationaux. Ne faudrait-il pas, aussi, poser publiquement et globalement la question de la liberté, de la variété, de la qualité de l'information sous le mandat à venir, alors qu’il est peut-être étonnant de voir (ou ne pas voir) la manipulation des infos par RT, tout en négligeant ce que font par exemple les réseaux Bolloré ? Et alors que se profile la suppression de la redevance qui finance les médias publics ? La liberté de la presse risque d'être une question cruciale dès les prochains mois. Les militants du Mouvement Républicain et Citoyen y porteront toute l’attention requise.


    Le Bureau de l'Union interdépartementale MRC LimousinPoitou-Charentes, 21 avril 2022